QUELS OBJECTIFS PROPOSER À VOTRE PATIENT ?
L’intervention thérapeutique vise un changement de la consommation d’alcool : abstinence d’emblée ou réduction de la consommation pour atteindre une consommation contrôlée ou l’abstinence. C’est en ce sens que le médecin généraliste va orienter les objectifs de la prise en charge en fonction du profil du patient, de son état de dépendance et de ce qu’il se sent capable de faire.
Des objectifs réalisables
Les objectifs à définir avec le patient n’ont de sens que s’ils sont définis avec le patient, réalisables et acceptés par lui.
"J’essaie de fixer des objectifs raisonnables, c’est-à-dire réduire la consommation, car l’arrêt total n’est pas toujours évident."
"J’essaie avec le patient de définir un objectif de consommation qui soit réalisable, car il n’y a rien de pire que de se lancer un défi qu’on ne peut pas tenir. C’est le patient qui est acteur de ce qu’il va faire, il amène sa bonne volonté et j’apporte mon aide et mon savoir."
"La question est de savoir si le patient envisage une réduction de consommation, mais continue à consommer de l’alcool, ou si on va cibler une abstinence totale. C’est en fonction de ce qu’il souhaite, de ce qu’il se sent capable de faire, qu’on fixe ensemble un objectif réalisable et qu’on choisit ensemble la thérapeutique. C’est aussi en fonction de l’expérience des patients qui, pour certains, ont déjà pris des traitements auparavant et ont l’expérience de certaines molécules."
Réduction de la consommation plutôt que l’abstinence
L’objectif de réduction de la consommation est maintenant envisagé par les experts en alcoologie, après la grande période de l’abstinence comme seule planche de salut.
"Le seul objectif que je propose est la réduction de consommation avec ou sans traitement complémentaire, mais jamais de sevrage car c’est l’échec à chaque fois chez mes patients qui sont trop dépendants à l’alcool. S’ils demandent un sevrage, je les adresse en cure."
"L’objectif est que le patient accepte de se soigner, mais jamais en arrêtant brutalement l’alcool. Je leur demande de réduire progressivement leur consommation en expliquant que je peux les aider avec un médicament. S’ils ont besoin d’un soutien psychologique, je les adresse à un CMP où la consultation est gratuite."
"Il ne faut pas vouloir obligatoirement leur demander d’être abstinents, mais de réduire leur consommation journalière de boissons alcoolisées, ce qui permet d’avoir une vie normale. On sait bien qu’une personne qui refuse de l’alcool dans une soirée a toutes les chances d’être taxée d’ex-alcoolique."
"Avant de dire au patient d’arrêter toute consommation d’alcool, l’objectif proposé est déjà de réduire sa consommation, qu’elle devienne plus raisonnée."
"Tout dépend du niveau dont on part, de l’expérience et des échecs du patient. En cas de consommation moyenne (environ 5 verres par jour tous les jours), l’objectif est d’essayer de faire une journée off ou de réduire le nombre de verres. Certains, qui étaient dépendants et ont déjà fait une cure, préfèrent s’en tenir à zéro alcool, sinon ils savent qu’ils risquent de rechuter. D’autres préfèrent garder une consommation raisonnée."
Parler aux patients des médicaments récents
La réduction de consommation est facilitée par l’aide de médicaments récents qui permettent de lutter contre les pulsions et l’appétence à l’alcool.
"L’objectif est de dire à ces patients qu’on dispose actuellement de moyens qui vont les aider à réduire leur consommation d’alcool et à la gérer grâce à un traitement qui réduit l’appétence à l’alcool."
"L’objectif est de réduire la consommation d’alcool, voire de l’arrêter totalement sans ressentir de manque ni de privation, grâce aux médicaments qui offrent aux patients une aide supplémentaire pour réussir."
Dr S.R. Dr Sophie Rougeaux, Dr N.A. Dr Nathalie Azzolin, Dr G.F. Dr Gaëtan Fremond, Dr J.-J.L. Dr Jean-Jérôme Le Coq, Dr J.-M.M. Dr Jean-Michel Marchadier, Dr J.-H.S. Dr Jacques-Henri Soulère, Dr F.S. Dr Françoise Sanquer, Dr L.M. Dr Latifa Miqyas
LES RECOMMANDATIONS DE LA SFA À RETENIR
> L’intervention thérapeutique vise un changement de la consommation d’alcool : l’abstinence ou la réduction de la consommation modérée.
> Lors de l’évaluation initiale, il est recommandé d’adopter l’objectif de consommation du sujet (grade B).
> L’abstinence est l’objectif de consommation le plus sûr pour la plupart des personnes souffrant d’une dépendance à l’alcool, et pour celles ayant un mésusage de l’alcool associé à une comorbidité physique ou psychiatrique significative (par exemple, une dépression ou une maladie du foie liée à l’alcool). Si elles ne souhaitent pas s’engager vers l’abstinence, il faut envisager un programme orienté et un accompagnement vers la réduction des dommages.
> Pour les sujets avec une consommation nocive ou une dépendance peu sévère, sans comorbidité significative, et si le soutien social est adéquat, il faut envisager l’objectif de réduction de la consommation, à moins qu’ils ne préfèrent l’abstinence ou qu’il y ait d’autres raisons de recommander l’abstinence.
> L’objectif de réduction de la consommation devrait idéalement viser à ne pas dépasser 21 verres-standard par semaine chez l’homme et 14 verres-standard par semaine chez la femme. Cependant, toute réduction significative de la consommation moyenne d’alcool, comme de la proportion de jours de consommation excessive, est susceptible d’apporter un bénéfice substantiel au sujet (grade A). Ainsi, dans une perspective de réduction des dommages, toute cible de la réduction de la consommation est plus acceptable que le statu quo et mérite d’être valorisée. Certains patients n’arrivant à progresser que par étapes, le professionnel de santé est alors amené à adapter les cibles de réduction en fonction des ressources susceptibles d’être mises en œuvre.