COMMENT INFORMER VOTRE PATIENT ?
Après avoir informé le patient sur le risque alcool (un verre-standard équivaut à environ 10 g d’alcool pur) et sur les normes OMS (pas plus de 2 verres/jour pour les femmes et 3 verres/jour pour les hommes), le médecin généraliste est également amené à apporter des informations complémentaires et des explications sur les risques d’une consommation excessive. Tout réside dans le tact avec lequel ces informations sont apportées.
Expliquer et parler vrai
Les médecins essaient d’informer en douceur les patients sur les risques auxquels ils s’exposent pour leur santé, mais il est parfois nécessaire de parler vrai à ceux qui ont du mal à comprendre...
J’oriente mon information en leur expliquant que la dépendance ne s’installe pas d’un coup, mais de façon très progressive, car il y a beaucoup de patients qui sont en mésusage et pensent qu’il est trop tard pour agir."
Selon le niveau de consommation du patient sur la semaine ou son impossibilité d’avoir une journée off dans la semaine, je lui dis qu'il est considéré comme un malade alcoolique. Je l’informe du risque de complications, souvent déjà présentes, et lui dis qu’un changement pourrait être bénéfique, même si les complications ne sont pas encore là ; mais je l’avertis qu’elles risquent d’être très proches."
Je commence par faire un bilan biologique de base pour voir s’il y a déjà atteinte des organes cibles. Selon les résultats, je préviens le patient des conséquences à long terme de la consommation excessive d’alcool ainsi que de l’impact socio-professionnel, professionnel et familial, et de la nécessité absolue de maîtriser sa consommation. J’y vais très doucement, en essayant de ne pas être trop intrusive, ce qui est normalement bien perçu d’autant plus qu’ils ont déjà ressenti de l'impact sur leur santé ou leur entourage. Pour ceux qui ont un bilan biologique normal malgré une alcoolisation évidente, je leur explique que la tolérance est différente d’un patient à l’autre, mais qu’ils peuvent aussi avoir des conséquences directes sur les autres organes, même si la prise de sang est normale."
S’ils s’alcoolisent dès le matin, je leur explique qu’ils s’exposent au retrait de permis de conduire. Mais, ce n’est pas ça qui les inquiète, car ils ont déjà souvent eu une ou deux suspensions voire un retrait du permis. Le risque digestif (pancréatite, cirrhose) ne les préoccupe pas non plus. En revanche, le risque cardio-vasculaire les inquiète, notamment l’infarctus."
Pas trop d’informations pour ne pas faire fuir les patients
Certains médecins préfèrent apporter peu d’informations sur les risques et complications liés à l’alcoolisation excessive et n’informent jamais les patients dans la crainte ou dans la peur.
"Je ne pense pas que ce soit bien d’essayer d’effrayer les patients, de leur faire peur avec le risque de complications. C’est plus intéressant de leur faire comprendre que c’est à eux de prendre en charge leur santé avec l’aide du médecin dont le rôle est de s'en occuper. Après, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. Mais, bien souvent, ils accrochent à l’aide proposée. Si cela ne marche pas, c’est peut-être que je n’ai pas utilisé les bons mots ou qu’ils ne sont pas encore prêts. Je leur dis alors qu’à mon avis ils ne sont pas prêts à faire la démarche et je les invite à réfléchir, à en reparler chez eux et à revenir quand ils auront pris une décision. Ils reviennent parfois, mais j’en perds certains."
"Je n’insiste pas trop sur le risque de complications et je ne m’étends pas en informations. En revanche, je leur dis qu’ils ne vont pas bien, qu’ils ont atteint la limite et qu’il va falloir qu’ils prennent une décision. À un moment, il faut savoir leur dire STOP, plutôt que de discourir ou leur faire peur car, avec un discours trop alarmiste, ils risquent de ne pas revenir."
"Je n’insiste pas sur le fait que l’alcool est mauvais pour la santé, car tout le monde le sait. Je n’ai pas de discours visant à faire peur avec les complications, d’autant que la majorité des patients que je vois n’en sont pas là. J’insiste plutôt sur le retentissement psychosocial, familial et professionnel. Si le patient arrive avec des signes d’imprégnation, une stéatose hépatique, je lui dis que ça ne va pas, qu’il faut faire marche arrière, sinon c’est la cirrhose qui le guette."
Dr S.R. Dr Sophie Rougeaux, Dr N.A. Dr Nathalie Azzolin, Dr G.F. Dr Gaëtan Fremond, Dr J.-J.L. Dr Jean-Jérôme Le Coq, Dr J.-M.M. Dr Jean-Michel Marchadier, Dr J.-H.S. Dr Jacques-Henri Soulère, Dr L.M. Dr Latifa Miqyas, Dr F.S. Dr Françoise Sanquer