COMMENT ÉVALUER ?
L’évaluation addictologique d’un mésusage d’alcool repose sur la mesure des consommations moyennes d’alcool et la fréquence des jours de forte consommation (égale ou supérieure à 6 verres-standard) selon les recommandations de la SFA : deux paramètres qui ont montré une relation de proportionnalité avec les principaux risques médicaux liés à l’alcool. Comment font les médecins généralistes au cabinet ?
Mésusage ou dépendance ?
Les médecins généralistes ont tendance à évaluer le profil du patient au cas par cas, en essayant de faire en sorte que le patient se rende compte par lui-même de la réalité de sa consommation.

"Je ne vois pas la différence entre mésusage et dépendance car, si quelqu’un boit régulièrement de l’alcool et qu’il en ressent le besoin, pour moi, il est dépendant. C’est la gravité de la dépendance qui va être différente."
"C’est relativement subjectif pour moi d’évaluer mésusage et dépendance : c’est au cas par cas. J’essaie de construire avec eux un profil qui leur correspond et que je vais classer dans la surconsommation ou dans la dépendance avec plus ou moins leur assentiment, car certaines personnes ne comprennent pas qu’on leur dise qu’ils sont déjà dépendants. Je m’efforce donc que ce soit eux qui découvrent que, finalement, le matin, ils ne peuvent pas se passer de boire un coup. Je trouve que c’est mieux quand ce sont eux qui me disent : “Finalement, docteur, vous avez raison”."
"Je leur rappelle la consommation d’alcool à ne pas dépasser sous peine de s’exposer à des risques sur leur santé. Sur vingt patients ayant un problème avec l’alcool, je n’ai que deux patients en mésusage, les autres sont tous dépendants à l’alcool, sachant que j’exerce dans un milieu de classes moyennes et ouvrières."
"J’effectue d’abord une évaluation clinique (examen général, somatique, neurologique, palpation abdominale, échographie, biologie) ainsi qu’une évaluation psychologique pour essayer de cibler le profil du patient. Mais on voit vite la différence entre celui qui s’est mis à boire momentanément pour rechercher un effet anxiolytique et celui qui boit depuis cinq ans ou plus et qui est dépendant : et là, je sais déjà que ce sera difficile."
Le regard du patient sur sa propre consommation
Certains médecins sont moins directs et posent une petite question ouverte, sans forcément cibler la question alcool, et voient comment le patient réagit, s’il est ouvert ou pas à la discussion.

"L’évaluation concerne le passé du patient, ses habitudes de consommation, mais aussi son propre regard sur sa consommation. Certains patients, qui ont un problème avec l’alcool sans boire pour autant comme un grand alcoolique, pensent qu’ils ont une consommation vraiment excessive, notamment les femmes. Et d’autres, qui sont de véritables alcooliques, estiment qu’ils ne boivent pas trop d’alcool."
"Chez un patient en mésusage d’alcool, je lui demande s’il y a des périodes où il ne consomme pas d’alcool et comment il se sent alors au cours de cette période : est-ce que c’est difficile pour lui ; se lève-t-il la nuit pour boire de l’alcool ; quelles sont ses réactions pendant cet arrêt de consommation d’alcool. S’il a repris sa consommation, je lui demande s’il sait ce qui a pu entraîner cette reprise."
Dr S.R. Dr Sophie Rougeaux, Dr N.A. Dr Nathalie Azzolin, Dr G.F. Dr Gaëtan Fremond, Dr J.-J.L. Dr Jean-Jérôme Le Coq, Dr J.-M.M. Dr Jean-Michel Marchadier, Dr J.-H.S. Dr Jacques-Henri Soulère, Dr L.M. Dr Latifa Miqyass
LES RECOMMANDATIONS DE LA SFA À RETENIR
Définition des seuils de risque en France :
L’unité de mesure servant à définir les seuils de risque en France est le verre-standard.
Un verre-standard est défini par une quantité d’alcool pur de 10 g, correspondant approximativement
à 10 cl de vin, 25 cl de bière à 5 % vol, ou 3 cl d’alcool à 40 % vol.
Les seuils retenus sont les suivants :
- – jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel ;
- – pas plus de 21 verres par semaine pour l’usage régulier chez l’homme (3 verres par jour en moyenne) ;
- – pas plus de 14 verres par semaine pour l’usage régulier chez la femme (2 verres par jour en moyenne).
Un continuum existe avec la graduation de l’usage simple (ou à faible risque) à l’usage à risque, puis de l’usage nocif à la dépendance.